Agroécologie Tour spécial Ecophyto à la ferme de la Bouzule (57) : guider les jeunes vers l’agriculture de demain
Connaissez-vous tous les talents cachés de la luzerne ? Savez-vous quelles saveurs ont les gâteaux ou crackers aux légumineuses ? Exploiter un méthaniseur ? Peut-on avoir la même efficience économique avec moins de phyto ? Comment adapter son utilisation de produits phytosanitaires en fonction de sa technique de travail su sol ?
AgroécologieTour 2018, spécial Ecophyto :
5’ pour résumer cette journée riche en découvertes,
échanges et convivialité, film en cliquant sur l’image à droite :
Une seule journée, différentes voies d’apprentissage
Le 17 mai 2018, sur le site de la ferme de l’ENSAIA (Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie et des Industries Alimentaires), intéresser et mobiliser les jeunes étudiants en agriculture - près de 400 lycéens rassemblés sur 13 000 élèves et apprentis du Grand Est - sur la question de la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, constitue le fil directeur de la journée. Pour cela, autant de questions posées que d’ateliers ludiques conçus pour y répondre. Mais aussi de chemins à parcourir : promenade en plein champs ou plus original, dans les orties, visites d’élevages bovins ou caprins et ouverture d’un chapiteau de conférences avec plus de 4 interventions et une table ronde.
Une année scolaire, plusieurs challenges Ecophyto
Après avoir été sélectionnés lors de rallyes organisés tout au long de l’année scolaire et permettant à tous tester leurs connaissances sur la protection des cultures, la réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires, en cohérence avec le plan Ecophyto - puisque c’est la thématique de l’année pour cette 3e édition – les 400 élèves lauréats des 15 établissements du Grand Est se sont rencontrés pour la finale, en équipe, autour d’un jeu concours permettant une réelle motivation de la part des élèves pour leur apprentissage, déconnecté des livres mais bien guidé par la découverte, la sensibilisation et l’innovation / expérimentation. Tout un programme... Organisé et animé par les lycées agricoles et mais aussi par 70 élèves de l’ENSAIA et illustré sur le terrain par leur propre modèle de pratiques : agro-écologiques et innovantes, mises en œuvre par les enseignants et étudiants, sur la ferme de la Bouzule.
Les invités privilégiés de ce salon très professionnel ?
En plus des 400 élèves, les équipes enseignantes de15 établissements, les directeurs de16 exploitations agricoles des lycées, ainsi que de nombreux partenaires ont pu participer à cette action et la rendre possible en apportant une contribution financière, un accompagnement sur la phase de sensibilisation, en animant un atelier, en mettant à disposition leurs outils pédagogiques ou en prenant la parole lors des conférences.
Ainsi l’ENSAIA, le réseau des EPLEFPA Grand Est et la DRAAF Grand Est ont co-organisé l’événement aux côtés du Conseil Régional Grand Est, de l’Université de Lorraine, des Agences de l’Eau, du lycée agricole d’Ettelbruck (Luxembourg), de l’INRA, de l’école d’Horticulture et de Paysage EHP de Roville aux Chênes, de la Mutualité Sociale Agricole (MSA), de la chambre d’agriculture Grand Est et enfin du réseau DEPHY ferme (Ecophyto).
La DRAAF présente sur le terrain
L’équipe Ecophyto de la DRAAF, animée par sa cheffe de projet, était présente sur un stand pour sensibiliser dans son domaine – le suivi du plan dans sa globalité. Pour cela ont été rappelés les méthodes de calcul d’indicateurs comme l’IFT (indice de fréquence de traitement), le système de la BNV-D, mais aussi les méthodes de biocontrôle. Une sensibilisation particulière a été apportée sur les volumes de produits phytosanitaires utilisés en Grand Est et l’hétérogénéité géographique : 5 900 tonnes de substances actives ont été vendues en 2015, avec une utilisation particulièrement forte en ex Champagne-Ardennes , en lien avec la part importante des cultures industrielles et de la viticulture notamment.
L’équipe du Service Régional de la Formation et du Développement était également présente, apportant en particulier, en la personne de la chargée de mission pour le suivi des exploitations agricoles, un appui tout au long de la préparation et de la journée, au sein de l’équipe qui anime le réseau des EPLEFPA et qui a piloté le projet aux côtés de l’ENSAIA.
Ces équipes peuvent aujourd’hui encore apporter des informations complémentaires :
contacts :
Plan Ecophyto : sral.draaf-grand-est@agriculture.gouv.fr
Enseignement agricole : srfd.draaf-grand-est@agriculture.gouv.fr
ENSAIA : https://ensaia.univ-lorraine.fr/
En quoi consiste concrètement l’agriculture de demain pour la ferme de la Bouzule ?
Que pouvait-on apprendre qui sorte du cadre, qui soit vraiment original et dans l’air du temps ? Cela fait en effet déjà quelques années que l’agriculture dite « agroécologique » est promue et que la connaissance des équipements de protection, la culture de la luzerne – répandue en Champagne Ardennes -, ou encore la réduction des antibiotiques et le rôle des abeilles sont connus, du moins pour le monde agricole … Et pourtant, nous ne sommes jamais au bout de nos surprises et quelques idées d’avenir se cachent au milieu de tous les stands ludiques, attrayants, et dont la fréquentation ne baisse pas au cours de la journée. En plus de leur caractère innovant, ils sont économes en produits phytosanitaire et permettraient d’agir en faveur du plan Ecophyto porté par le Ministère, et bien plus...
1er défi d’avenir : la culture de l’ortie ! Sa présence sur la ferme expérimentale montre en effet qu’elle présente un beau potentiel d’avenir et de triple performance, tel qu’expliqué par les étudiants et leurs professeurs à côté du champ cultivé de la ferme. Tout comme le chanvre, elle permet une très grande diversité de débouchés verts : construction, fibre textile, mais tout simplement aussi tisanes médicinales, avec une belle valeur ajoutée selon quelques témoignages recueillis sur place. A noter que dans ce domaine, le Grand Est fait déjà office de pionnier : le GIEE MAGIEE était déjà lauréat des trophées de l’agroécologie 2016-2017 avec une culture d’orties en plein champs, où il démontre in situ tous les bienfaits de cette culture.
Pour découvrir la présentation du GIEE MAGIEE : http://agriculture.gouv.fr/trophees-de-lagro-ecologie-les-laureats-regionaux-2016-2017
2e défi d’avenir : la promotion de la filière légumineuse de Lorraine. Les légumineuses sont en effet dans l’air du temps et promises à un bel avenir : la consommation de protéine végétale est une politique portée par le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, mais aussi par les organismes de santé. L’ENSAIA espère, par la mise en réseau des différents producteurs lorrains, par la présentation des caractéristiques des cultures et de leur utilisation, et plus original, par la valorisation de recettes salées et sucrées de leur composition, regrouper sur un même site internet - dont l’ouverture est imminente – toutes ces informations et donner ainsi une réelle lisibilité tout autant qu’un développement du réseau. L’enseignante responsable de ce projet regorge d’idées : « nous avons même réalisé un Master Chef spécial légumineuses où des grands chefs lorrains sont venus créer des recettes devant la caméra ». Le salon a permis de prendre contact et la DRAAF sera bientôt intégrée à cette action, dans le cadre de sa mission d’économie agricole.
Pour découvrir des recettes aux légumineuses sur le site du MAA : http://agriculture.gouv.fr/les-legumineuses-sinvitent-de-lentree-au-dessert
Pour avoir accès à l’ensemble des articles légumineuses du site du MAA : http://agriculture.gouv.fr/mots-cles/legumineuse
Infographie du MAA : Les légumineuses, une graine d’avenir ! : http://agriculture.gouv.fr/infographie-les-legumineuses-graines-davenir
Il sera également noté que des expérimentations en agroforesterie sont réalisées sur le site de la ferme, notamment la mise en place de haies en intraparcellaire. L’agroforesterie peine à arriver en Grand Est alors qu’elle est aujourd’hui plus représentée dans le Sud de la France. Là encore, c’est un défi qui a donc de l’avenir.
Pour en savoir plus sur le plan de développement de l’agroforesterie : http://agriculture.gouv.fr/un-plan-national-de-developpement-pour-lagroforesterie
Journée nationale de l’agroforesterie 2017 : http://agriculture.gouv.fr/journee-nationale-de-lagroforesterie-2017
Les apprenants : l’innovation, et après ?
L’AgroÉcologie Tour et les salons est toujours l’occasion d’aborder les apprenants dans un contexte plus libre et de mieux appréhender la perception qu’ont ces futurs professionnels de leur agriculture de demain et du plan Écophyto. En effet, l’événement réunissait un public formé, intéressé mais surtout concerné !
Tous les élèves interrogés connaissent le plan Écophyto, enseignement de base du programme scolaire et étudié au travers de journées de formation dédiées ou encore par les exploitations expérimentales comme c’est le cas au lycée de Somme-Vesle. Corentin, 21 ans et étudiant en BTSA PV dans ce même lycée nous explique : « Pour moi, ce plan est réaliste parce que dans le cadre de notre lycée les objectifs ont déjà été atteints. Ils sont même dépassés. ».
Même si dans la théorie, ils s’accordent à dire que la réduction est nécessaire, ils n’ont pas encore levés tous les freins pratiques : « Le seul problème est au niveau économique : il faut investir dans du matériel cher. ». En effet, bon nombre de participants se sent contraint par un manque de moyens et de soutien. Louis en bac pro CCGEA à Château-Salins souhaite reprendre l’exploitation familiale aux côtés de son oncle, il pense aux solutions envisageables : « On regarde déjà pour plus de désherbage mécanique, pour ne pas toujours utiliser de produits. Ce sont des équipements qui coûtent cher donc pour l’instant ce n’est pas trop développé, mais je pense qu’avec le temps on y arrivera. ».
La sensibilisation, c’est donc encore la première marche à franchir pour oser par la suite engager des actions concrètes, même si celles-ci peuvent prendre du temps : Naomi et Malvina sont élèves en bac pro « Activités Hippiques » et souhaitent toutes deux monter une structure équestre et faire de l’élevage équin. Malvina dresse un bilan de cette journée : « Dans le stand il y avait beaucoup d’informations techniques, des informations qu’on ne connaissait pas du tout sur les productions végétales et sur le plan Écophyto. Ça nous a permis d’apprendre des choses, c’était très intéressant ». Naomi réplique : « Oui il y avait beaucoup d’informations claires et bien expliquées. 5900 tonnes de substances actives vendues en Grand Est, ça équivaut à 200 camions ! ». Pour Louis, ce type d’événement est avant tout l’occasion de découvrir le plan d’une autre façon qu’en cours.
Tous s’accordent même à dire que leur génération est, plus que sensibilisée, alertée de façon globale par les enjeux environnementaux de demain. Mai Anh, 22 ans, en première année à l’école d’ingénieur ENSAIA nous raconte : « Je suis énormément intéressée par toutes les problématiques d’avenir, sur l’environnement, le développement durable, l’alimentation de demain, etc. C’est pour ça que j’ai choisi l’agriculture. ». Il est intéressant de souligner l’importance donnée au rôle de la nouvelle génération d’information et de communication. Pour Fanny, élève au lycée de Château-Salins : « On voit quand même pas mal de choses aux informations et dans les médias. Il y a la mise en place d’énormément de manifestations, beaucoup de choses qui se font un peu partout. Même quand on n’est pas forcément dans le domaine agricole, on voit que ça se développe. Grâce aux réseaux sociaux on est quand même plus au courant, et si on est intéressé il y a de nombreuses manières de s’informer voire de s’engager par la suite ».
L’ENSAIA a réussi son défi : susciter l’intérêt et les projets d’étudiants pour développer leur implication plus forte pour la protection de l’environnement et une motivation pour l’économie d’intrants. Pour dépasser le frein financier qui se pose encore pour nombreux apprenants, les conférences tout autant que la notion de réseau d’information semble primordiale pour la nouvelle génération. Dans ce cadre, la mise en réseau des établissements d’enseignement et des exploitations des lycées, apte à permettre la réalisation de ce genre d’événement, répond parfaitement à cette demande.
Espérons que cette journée, même si elle reste petite graine dans le champ des apprentissages à acquérir par les futurs professionnels de l’agriculture, puisse germer agroécologiquement d’ici quelques années.
Pour plus de renseignements :
Sur l’événement : http://ensaia.univ-lorraine.fr/fr/content/agro-ecologie-tour-2018
Sur l’enseignement agricole : http://draaf.grand-est.agriculture.gouv.fr/ENSEIGNEMENT-FORMATION
Sur le plan Ecophyto : http://draaf.grand-est.agriculture.gouv.fr/Ecophyto